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FFF : cinq Espoirs pour l’exemple

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La Fédération française de football a donc sanctionné les cinq internationaux Espoirs coupables d'une virée nocturne entre Le Havre, où la sélection était rassemblée entre deux matches qualificatifs pour l'Euro 2013, et Paris. La commission fédérale de discipline a pris des allures de cour martiale à cette occasion, tant la sanction a semblé dure aussi bien à ceux qui l'ont trouvée juste qu'aux autres: M’Baye Niang, Chris Mavinga, Antoine Griezmann et Wissam Ben Yedder ont été suspendus de toute sélection en équipes nationales jusqu'au 31 décembre 2013, Yann M’vila jusqu’au 30 juin 2014.

Depuis la Coupe du monde 2010, on sait à quel point les polémiques se sont ancrées sur la "mentalité" des footballeurs et leurs comportements, avec d'innombrables rebonds médiatiques à chaque nouvel écart de conduite, des plus dérisoires aux plus déplorables, déchaînant des tsunamis de commentaires. L'institution fédérale, la plus visée par les critiques, en a fait un enjeu de politique interne, dans un contexte électoral qui a contribué à faire de la restauration disciplinaire une priorité.


Chris Mavinga et Yann M'vila, samedi soir à l'issue de Nancy-Rennes.

EN PROPORTION DE L'ESCLANDRE

En sanctionnant lourdement, la FFF et son président-candidat ont envoyé un message en interne et ont communiqué vers l'extérieur en comptant sur un assentiment majoritaire sinon général. En termes de communication, répondre à la demande publique (y compris celle des sponsors) est peut-être de bonne stratégie. On peut tout de même s'interroger sur ce qui serait advenu si l'affaire n'était pas sortie dans les médias (et si les Bleuets s'étaient qualifiés), donnant le sentiment que l'instance réagissait plus à une affaire médiatique qu'aux faits eux-mêmes et sanctionnait moins en fonction de la gravité de ces derniers qu'en proportion de l'esclandre. Dans un contexte délétère où les fautifs ont été qualifiés de "salauds" qu'il fallait "envoyer à la mine"... (lire "Jeunes boucs, vieilles biques")

Et c'est bien dans leurs proportions que les sanctions interpellent, au travers de l'abondante jurisprudence récente (lire le rappel sur Rue89). L'échelle de la gravité des actes est pour le moins incohérente, entre les quelques matches de suspension infligés aux grévistes de Knysna et ces deux saisons de bannissement pour M'vila. Sa seule logique est qu'elle va crescendo, et qu'elle s'applique plus durement pour des jeunes joueurs que pour des internationaux mieux protégés par leur statut [1]. Dans l'affaire des quotas, dont la gravité – incommensurablement plus grande que ces turpitudes des footballeurs – a été remarquablement minorée (lire "Pas de Blacks, «pas de problème»?"), les principaux responsables ont été épargnés, à commencer par François Blaquart, Directeur technique national (suspendu un mois), et Erick Mombaerts... désormais ex-entraîneur des Espoirs.

M'VILA, DÉJÀ COUPABLE

Pourtant, de nombreux amateurs de football des plus raisonnables, même s'ils se retrouvent à leur corps défendant en compagnie des réactionnaires vindicatifs qui aiment à tomber sur l'étonnante jeunesse que composent les footballeurs professionnels, ont trouvé les suspensions légitimes. Ils remarquent qu'elles n'empêchent pas les joueurs de poursuivre leur carrière en club, qui auront encore beaucoup d'avenir international devant eux quand elles seront levées. De leur point de vue, la Fédération est parfaitement fondée à exclure ceux qui ont commis une faute sportive majeure, et à établir ainsi de nouveaux standards de comportement. Quitte à ne se distancier en rien de l'atmosphère de moralisme exacerbé et de crispation sur les symboles.

Le cas de Yann M'vila a logiquement été au centre des discussions. Les uns l'ont considéré comme un récidiviste déjà sous le coup d'un sursis, au cœur de trop de faits-divers, et qui endosse plus de responsabilités que les autres compte tenu de son statut (celui d'un international A aux 22 sélections, rappelé en Espoirs pour les aider à se qualifier et montrer sa bonne volonté, aîné du club des cinq). Les autres rappellent que sa précédente sanction concernait l'oubli de serrer la main de son entraîneur lors d'un remplacement, et que pour écoper d'une suspension de deux saisons, il faut vraiment qu'il fasse un bouc émissaire idéal... (lire l'article de Horsjeu.net)

CHANGER LES FOOTBALLEURS, ET LA FÉDÉRATION

Peut-être ces sanctions définissent-elles un nouveau degré d'intransigeance, mais il faudra le justifier dans la durée (on verra d'ailleurs assez vite s'il est maintenu en cas d'appel). Des durées de suspension moitié moindres auraient passé le message sans donner le sentiment d'une répression démesurée. Il n'aurait pas été moins efficace de laisser aux sélectionneurs (des Espoirs et des A) le soin d'appliquer la rigueur souhaitée en ne convoquant pas les joueurs concernés aussi longtemps qu'ils n'ont pas fait la démonstration de leur exemplarité et de leur bonne compréhension des raisons de cette mise à l'écart. Une punition prononcée explicitement pour l'exemple contre une cible facile, et qui comporte une dose critique d'hypocrisie, n'est à cet égard pas plus pédagogique qu'équitable.

La Fédération a donc choisi la méthode punitive, mais elle n'a pas forcément fait beaucoup avancer son entreprise de moralisation. En laissant les footballeurs incarner des maux qui les dépassent largement, le football français s'est épargné une introspection plus profonde et plus large – en particulier sur sa mission d'éducation. La FFF aura besoin de réformer le système de formation et de rétablir un dialogue entre "éducateurs" présumés et jeunes footballeurs – dialogue qu'une justice sévère rendue par une gérontocratie ne va pas favoriser. Et tandis que les futurs professionnels seront invités à gagner en maturité et à mieux comprendre les enjeux dont ils sont les vecteurs, l'institution devra aussi moderniser sérieusement sa façon de penser. Afin que tout le monde vive dans la même époque.

[1] Dix-neuf mois, c'est presque autant que la suspension de Nicolas Anelka, international confirmé de 31 ans, pour des écarts ayant eu des conséquences autrement plus graves.

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